La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala a été reconduite par consensus pour un second mandat à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) vendredi 29 novembre. Sa confirmation à la tête de l’organe du commerce intervient à moins de deux mois du retour à Washington de Donald Trump, qui affiche son refus de se plier aux règles du commerce international.

« Les membres de l’OMC ont décidé aujourd’hui de confier à Ngozi Okonjo-Iweala un second mandat en tant que directrice générale », a indiqué l’Organisation dans un communiqué, à l’issue d’une réunion à huis clos à son siège à Genève.

Première femme et première Africaine à diriger l’OMC, elle était la seule candidate à sa succession. À 70 ans, elle a été réélue par consensus, sous les applaudissements, par les 166 membres de l’organisation, pour un second mandat de quatre ans. La priorité de ce dernier sera d’empêcher que le monde s’enfonce dans le protectionnisme.

Son premier mandat s’achève fin août 2025, mais la procédure de reconduction a été anticipée à la demande des pays africains, officiellement pour faciliter les préparatifs de la prochaine conférence ministérielle de l’OMC au Cameroun en 2026.

L’objectif non avoué est d’« accélérer le processus parce qu’ils ne voulaient pas que l’équipe de Donald Trump mette son veto comme il y a quatre ans », estime l’ancien porte-parole de l’OMC Keith Rockwell, devenu chercheur à la fondation Hinrich.

Le directeur général est traditionnellement désigné par consensus. Ce qui avait permis à Donald Trump, en 2020, de bloquer la première candidature de Mme Okonjo-Iweala. Ce blocage avait alors privé l’organisation d’un chef pendant des mois, jusqu’à l’arrivée de Joe Biden à la présidence américaine, en janvier 2021.

Une élection pour éviter que l’administration Trump ne « ralentisse les choses »

Selon une source proche des discussions, le soutien apporté à son second mandat « n’est pas tant » dû au fait « que tout le monde aime Ngozi ». Il s’agissait plutôt pour les pays d’éviter que l’administration Trump ne « ralentisse ensuite les choses ».

Mais cette reconduction accélérée « crée des tensions dans les relations avec les États-Unis, c’est certain. Des tensions qui auraient probablement existé en toutes circonstances. Mais aujourd’hui, cela fait monter les enjeux », a commenté Keith Rockwell.

D’autant que le président élu américain a relancé l’inquiétude sur des guerres commerciales tous azimuts, en menaçant en particulier la Chine, le Canada et le Mexique d’augmenter les droits de douane dès son arrivée au pouvoir en janvier. Le milliardaire avait déjà déclenché des affrontements commerciaux avec la Chine et l’Europe pendant son premier mandat (2017-2021).

« Le festival de droits de douane qu’il annonce à présent montre qu’il n’entend respecter aucune règle. De fait, les États-Unis n’auraient pas besoin de se retirer de l’OMC, ils s’affranchissent des règles de l’OMC, avec un découplage brutal vis-à-vis de la Chine », observe Elvire Fabry, chercheuse à l’institut européen Jacques Delors.

La directrice générale de l’OMC aura « un rôle de pompier » dans ce contexte, estime-t-elle.

Un mandat qui ne fera que « sauver ce qui peut l’être »

Il s’agira de « sauver ce qui peut l’être, et convaincre qu’il n’y a pas une énorme alternative aux règles de l’OMC ». Mais « ce sera un mandat très difficile avec peu de certitudes sur ce qui va se passer », souligne une autre source proche du dossier.

« Nous vivons une période où l’application des règles de l’OMC s’est détériorée. Mais on ne peut pas imputer tout cela aux Etats-Unis », souligne Keith Rockwell.

L’OMC « n’est pas conçue pour résister à une démolition par ses membres »

Comme l’explique le directeur de l’organisation Geneva Trade Plateform, Dmitry Grozoubinski, les gouvernements « se tournent de plus en plus vers les mesures commerciales pour traiter des sujets tels que la sécurité nationale, la concurrence environnementale et la réindustrialisation ». Cela en se souciant moins de savoir si « leurs idées violent l’esprit et la lettre des règles de l’OMC ».

« Si le président élu Trump fait de la destruction de l’OMC une priorité », les options de l’organisation « seront limitées car l’institution n’est pas conçue pour résister à une démolition par ses membres », dit-il, également auteur du livre Pourquoi les politiciens mentent sur le commerce.

À son arrivée à l’OMC, Mme Okonjo-Iweala avait déjà trouvé une organisation fragilisée. Elle a tenté de lui insuffler un nouveau dynamisme autour des questions climatiques et de santé et est parvenue à faire conclure un important accord sur l’interdiction de subventions nuisibles à la pêche.

Mais la pression en faveur d’une réforme de l’OMC s’est accentuée. D’autant que l’organe d’appel du système de règlement des différends, que la première administration Trump a fait péricliter en bloquant la nomination des juges, reste à l’arrêt. Cela alors que l’objectif était de le relancer cette année.

By Ibrahim