Le 1ᵉʳ août 2025, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a reçu le général Saddam Haftar, chef d’état-major des forces terrestres libyennes. Cette rencontre symbolise le renouveau d’un dialogue bilatéral, axé sur la réouverture des frontières, la gestion des détenus, et la lutte contre les menaces transfrontalières. Dans un Sahel en mutation, le Tchad se positionne comme un pivot diplomatique face aux turbulences régionales.
Apaisement et commerce : les frontières en ligne de mire entre le Tchad et la Libye
Lors de cet entretien, des enjeux cruciaux pour les deux pays ont été abordés, notamment la réactivation des relations bilatérales qui avaient souffert des tensions liées à l’instabilité en Libye. Les deux parties ont exprimé leur engagement à rouvrir les frontières, fermées depuis des années à cause des troubles sécuritaires, afin de dynamiser le commerce transfrontalier. Le Tchad et la Libye partagent une frontière de plus de 1 000 kilomètres, souvent utilisée pour des trafics illicites et des incursions de groupes armés.
Un autre point sensible a été la situation des ressortissants tchadiens détenus en Libye. Bien que les détails restent confidentiels, des sources proches de la présidence tchadienne indiquent que le président Déby a plaidé pour une résolution humanitaire de ces cas. La question de la paix en Libye, déchirée par des conflits internes depuis 2011, a également été abordée. Le général Haftar a réaffirmé l’engagement de son camp pour la stabilité régionale.
Le Sud libyen, carrefour des intérêts : la stratégie d’Haftar en action
Cette rencontre se déroule alors que l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par Haftar, renforce son influence dans le sud de la Libye, avec des opérations pour sécuriser les zones frontalières avec le Tchad, le Niger, et le Soudan. Les forces de Haftar intensifient leurs patrouilles dans le Fezzan, une région riche en ressources naturelles mais également un point de passage pour des trafics illicites. Bien que cette mobilisation soit officiellement destinée à lutter contre les groupes armés, certains analystes voient en elle une volonté de contrôler des zones économiques clés.
La visite de Saddam Haftar à N’Djaména s’inscrit dans une dynamique de rapprochement avec les pays du Sahel. En juin 2024, il avait déjà visité la capitale tchadienne, sa première sortie officielle à l’étranger après sa nomination. Cette nouvelle rencontre reflète l’urgence de renforcer les liens bilatéraux face aux défis communs, tels que le terrorisme et les flux migratoires.
Ombre au tableau : les absents et les zones de friction entre le Tchad et la Libye
Malgré ce rapprochement, des défis persistent. Les autorités tchadiennes n’ont pas fait mention d’autres acteurs libyens, notamment le gouvernement de Tripoli, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, soulignant ainsi la complexité de la situation politique en Libye. Par ailleurs, la question des rebelles tchadiens opérant depuis le sud de la Libye reste un point de friction. Bien que des opérations militaires aient été menées en coordination avec les autorités tchadiennes, elles soulèvent des inquiétudes sur la stabilité régionale.
Un pari sur l’avenir : N’Djaména, acteur clé d’une région en mutation
La réception de Saddam Haftar envoie un signal fort : le Tchad se positionne pour stabiliser la Libye et la région. Cette visite, jugée « fructueuse », pourrait poser les bases d’accords concrets sur la sécurité frontalière, le commerce et la gestion des détenus. Alors que le Tchad renforce son rôle dans le Sahel après la rupture des accords militaires avec la France, cette collaboration avec la Libye pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques régionaux.
À l’heure où la paix et la prospérité restent des objectifs fragiles dans le Sahel, cette rencontre incarne un espoir prudent. La véritable mesure de cette poignée de main historique sera la mise en œuvre d’actions concrètes, en surmontant les défis enracinés et les rivalités persistantes entre le Tchad et la Libye.