Va-t-on vers des élections présidentielles au Mali en 2025 ?
Cette question trouve toute sa pertinence au lendemain de l’invitation faite au gouvernement de transition par le général Assimi Goïta lors du Conseil des ministres du mercredi 27 novembre, de « créer les conditions nécessaires à l’organisation d’élections transparentes et apaisées qui devront mettre un terme à la transition ».
Le chef de la junte malienne a en effet exhorté le nouveau gouvernement dirigé par le général Abdoulaye Maïga à adopter des mesures concrètes pour assurer la tenue de l’élection présidentielle qui doit marquer un retour à l’ordre constitutionnel après quatre années de transition militaire.
Pas de calendrier, horizon flou
Le général Goita a donné cette instruction lors d’une réunion du conseil des ministres mercredi, sans fournir de date pour les élections.
Il a demandé au nouveau Premier ministre d’établir un plan d’action avec des objectifs clairs et un calendrier pour leur mise en œuvre tout en soulignant que les élections devaient être « transparentes » et « pacifiques ».
Avant cette annonce, le Mali craignait que les élections organisées par les militaires ne soient pas libres et équitables, notamment en raison des spéculations selon lesquelles le chef de la junte pourrait se présenter pour prolonger son séjour au pouvoir. Les doutes sont nombreux quant à la possibilité que des civils prennent le pouvoir pour marquer un retour à la démocratie.
Cette annonce survient une semaine après le limogeage par le chef de la junte du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga et de son gouvernement, suite aux critiques formulées par M. Maïga à l’encontre des autorités militaires sur le manque de clarté de la junte dans le processus de transition démocratique qui avait été promis.
La junte avait promis d’organiser des élections et de rendre le pouvoir aux civils avant mars 2024, mais elle a ensuite reporté le scrutin.
« La transition devait se terminer le 26 mars 2024, mais elle a été reportée indéfiniment, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement », a-t-il déclaré.
« Ce n’est pas normal dans un gouvernement », a-t-il ajouté, révélant qu’en tant que premier ministre, il n’avait pas été informé de la décision de la junte de reporter les élections.
Après avoir été démis de ses fonctions de Premier ministre, Choguel Maïga a critiqué son successeur, qui était ministre de l’intérieur, pour avoir autorisé « clandestinement » la création de 100 nouveaux partis politiques alliés au régime militaire, à son insu.
Les militaires au pouvoir s’étaient initialement engagés à organiser des élections et de céder la place aux civils en mars 2024 avant de revenir sur cette promesse.
Assimi Goïta avait effectivement signé le 6 juin 2022 un décret présidentiel qui allongeait la durée de la transition malienne de vingt-quatre mois, à partir du 26 mars 2022.
Conformément aux engagements pris par la junte auprès des partenaires internationaux et de la CEDEAO, la transition devait s’achever en mars 2024. Le report avait fini par semer le doute sur les intentions réelles du général Assimi Goita.
Une ligne budgétaire pour les élections a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025.
Bientôt les élections ?
Plus de quatre années après le coup d’État militaire d’août 2020, aucune date n’a été officiellement fixée pour les élections générales qui devaient se tenir dans un premier temps en février – mars 2022 avant de voir l’horizon délai sans cesse repoussé.
Depuis le 7 octobre 2024 et l’ouverture de la session budgétaire, le Conseil national de transition (CNT) qui fait office de parlement provisoire se penche sur la révision de la loi électorale et sur l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2025.
Un budget de 2.600 milliards de francs CFA, dont 80 milliards devraient être consacrés à l’organisation de l’élection présidentielle.
Une telle ligne figurait dans la de loi de finances pour l’année 2024 avant d’être retirée in extremis du projet de texte en 2023.
Après le coup d’État d’août 2020, l’annonce d’un calendrier électoral était attendue avec une impatience croissante par les partenaires internationaux du Mali et les organisations régionales comme la CEDEAO qui faisaient pression sur les autorités de la junte pour fixer une date pour la tenue des élections générales (présidentielle et législatives).
De nombreux doutes subsistaient à Bamako et à l’étranger notamment sur la capacité ou la volonté des autorités de transition à les organiser.
Goita sera t-il candidat ?
Lorsque les militaires ont évincé le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, la junte avait adopté une charte qui stipulait que la transition durerait dix-huit mois, lesquels devraient être suivis d’élections. Cela aurait conduit à des scrutins en février et mars 2022.
Les militaires s’étaient engagés par la suite en 2022 à rendre le pouvoir aux civils en mars 2024 après des élections. Ils ont manqué à cet engagement pris à l’époque sous la pression de la Communauté des États ouest-africains (Cédéao) et de sanctions rigoureuses de la part l’organisation régionale.
Un récent dialogue national s’est conclu par des recommandations en faveur de la prolongation du régime militaire pour plusieurs années supplémentaires.
Les participants, principalement des militaires, ont proposé que le colonel Assimi Goita, le chef de la junte qui a pris le pouvoir en 2020, soit autorisé à se présenter à la présidence lors des futures élections.
Toutefois, le dialogue a été marqué par le boycott d’une frange importante de l’opposition, les critiques accusant l’armée d’utiliser le processus pour prolonger son emprise sur le pouvoir.
Selon une des dispositions de la nouvelle loi électorale adoptée en 2022 par le Conseil national de transition (CNT), « tout membre des Forces armées ou de sécurité qui désire être candidat aux fonctions de président de la République doit démissionner six mois avant la fin du mandat en cours du président de la République ».
A Bamako, la nomination d’un général au poste de Premier ministre inquiète quant à l’emprise grandissante de l’armée sur le pays. La junte bénéficiait d’un soutien populaire lorsqu’elle a pris le pouvoir il y a trois ans.
Le général Abdoulaye Maïga ne faisait pas partie des militaires qui ont pris le pouvoir en 2020, mais il les a rejoints par la suite et est depuis considéré comme l’un des fidèles du général Goïta.
Cette prise de pouvoir faisait suite à d’immenses manifestations contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, dans un contexte de corruption, d’incertitude économique et d’insécurité.
La junte a toutefois eu du mal à endiguer la violence djihadiste.
Le Mali, comme ses voisins nigérien et burkinabé, subit depuis des années des violences djihadistes et séparatistes qui ont abouti à des coups d’État militaires en 2020 et 2021.
Dans un premier temps, des promesses ont été faites de passer à une gouvernance civile par le biais d’élections démocratiques, mais ces plans ont été indéfiniment reportés en raison des problèmes de sécurité liés aux attaques djihadistes.
Des groupes jihadistes – certains affiliés à Al-Qaïda, un autre à l’organisation État islamique – ont essaimé sur le terreau fertile d’une absence de l’État dans les immenses zones rurales, de la corruption et des nombreuses exactions des armées nationales.