Depuis l’élection de Javier Milei, la crise économique et la politique d’austérité du gouvernement ont fait tomber plus de cinq millions d’Argentins dans la pauvreté, qui concerne actuellement plus de la moitié de la population. Chez les enfants de moins de 14 ans, cette proportion monte à 66 %. Dans la Villa 31, ou quartier Mugica, le plus grand bidonville de la capitale argentine, la malnutrition infantile explose.
« Le quartier est un désastre, un désastre », répète Viviana Rodriguez en raclant le fond de la grande casserole devant elle. Chaque semaine, la soupe populaire qu’elle tient à bout de bras attire de plus en plus de personnes. Cette soupe populaire, c’est un petit coup de pouce, reconnaît Milagro, qui vient depuis deux mois avec ses deux filles : « La petite à 8 ans, et la grande, 12 ans. Je les amène ici chaque semaine, elles viennent aussi au soutien scolaire. »
En plus d’un repas chaud et de soutien scolaire, cette semaine, les filles de Milagro vont également être pesées et mesurées. Chaque année, l’organisation sociale Libres del Sur, à laquelle est rattachée la soupe populaire de Viviana Rodriguez, élabore un rapport national sur la malnutrition infantile dans les quartiers populaires. En 2023, 40 % des enfants en auraient souffert.
« Nous relevons la taille et le poids des enfants comme nous le faisons chaque année, et à partir de ça, nous calculons un bilan », explique Nancy Sanchez, qui s’occupe du relevé dans le quartier en plus de ses études d’infirmière. Ce bilan, c’est l’IMC, l’indice de masse corporelle.
Avec 17,3 kg pour 108 cm et demi, la petite Amber a par exemple un IMC de 14,6, ce qui indique un poids significativement inférieur à la normale. « En fonction de ces bilans, nous savons quel enfant a besoin d’assistance alimentaire, poursuit Nancy Sanchez, et quand ils viennent ici, on leur donne du lait, des fruits, des légumes… Ce dont ils ont besoin. »
« Il y a des enfants qui sont sous-alimentés, mais je ne peux rien faire »
Cette attention personnalisée, c’est l’objectif, mais depuis l’élection de Javier Milei, la réalité est plus compliquée : « Il y a des enfants qui sont sous-alimentés, mais je ne peux rien faire si je n’ai pas de quoi les nourrir, se lamente Viviana. Je ne reçois plus la nourriture que l’État m’envoyait ! »
Sous prétexte de faire un audit des organisations sociales et de supprimer les intermédiaires, le président argentin a suspendu l’aide alimentaire publique aux quelque 44 000 soupes populaires du pays. Et depuis neuf mois, Viviana ne reçoit plus rien. En conséquence, elle a dû réduire la fréquence des distributions de repas. « Avant, on les faisait le mercredi, le vendredi et le samedi. Et maintenant, on le fait seulement le samedi, et encore, quand j’arrive à trouver de quoi cuisiner. Je ne sais pas dans quel monde vit le gouvernement… »
Malgré l’augmentation des allocations familiales mises en place par le gouvernement, le nombre d’enfants de moins de 14 ans touchés par l’extrême pauvreté, c’est-à-dire qui n’ont pas de quoi satisfaire leur besoin nutritionnel de base, est passé de 18 à 27 % en six mois.