Arlit face à son héritage toxique : la société civile lance l’offensive judiciaire
Dans le désert brûlant d’Arlit, au nord du Niger, une tempête judiciaire se profile. Le 1ᵉʳ mai 2025, la Coordination de la société civile d’Arlit et la Synergie des organisations de la société civile ont saisi le tribunal de grande instance pour assigner en référé la Compagnie minière d’Akouta (COMINAK), filiale du géant français Orano. Ce n’est pas une simple querelle administrative : c’est un cri d’alarme face à l’abandon d’un site minier dont les 20 millions de tonnes de résidus radioactifs menacent la santé des habitants et l’équilibre d’un écosystème déjà fragile. L’audience est prévue pour le 9 mai, révélant les cicatrices d’une exploitation uranifère qui a enrichi des puissances étrangères tout en léguant à Arlit un fardeau environnemental et social.
Arrêt brutal, avenir brisé : les vies sacrifiées de l’uranium
COMINAK, ayant extrait 75 000 tonnes d’uranium depuis 1978, a cessé sa production en mars 2021, invoquant l’épuisement des gisements. L’entreprise avait promis une réhabilitation exemplaire sur dix ans, pour un coût de 125 milliards de FCFA (190 millions d’euros), afin de sécuriser les résidus radioactifs. Cependant, en janvier 2025, tout s’est arrêté. Argant d’« ingérences illégitimes », COMINAK a rompu ses contrats avec les sous-traitants, plongeant 500 travailleurs dans le chômage sans indemnités. En outre, une cinquantaine d’agents sous contrat direct seront licenciés pour « raisons économiques » à partir du 30 avril, transformant des familles en victimes d’une transition ratée.
Face à cette situation, la société civile, fer de lance de la résistance, exige des comptes. « COMINAK se lave les mains de ses responsabilités, laissant derrière elle des travailleurs et des terres empoisonnées », affirme un représentant de la Coordination d’Arlit. Les plaignants exigent l’annulation des licenciements et la reprise immédiate des travaux, arguant que l’arrêt des opérations viole des engagements envers les communautés locales.
L’ombre radioactive plane sur Arlit : 20 millions de tonnes, une menace à ciel ouvert
En plus des drames humains, c’est une catastrophe écologique qui se profile. Les 20 millions de tonnes de résidus radioactifs, accumulés sur 120 hectares, émettent des poussières et du radon, un gaz cancérigène. Ces déchets menacent les nappes phréatiques vitales pour les 200 000 habitants d’Arlit et d’Akokan. Des études de la CRIIRAD montrent des niveaux de radiation jusqu’à 100 fois supérieurs à la normale, compromettant l’approvisionnement en eau potable.
Orano acculé : le géant français face à la colère d’une ville et aux tensions politiques
COMINAK, détenue à 59 % par Orano, 31 % par la Sopamin nigérienne et 10 % par l’espagnole Enusa, se trouve dans une délicate position. Orano prône une « fermeture responsable », mais ses engagements apparaissent creux aux yeux de la société civile. La suspension des travaux survient dans un contexte de tensions diplomatiques entre le Niger et la France, accentuées par la révocation du permis d’exploitation d’Orano pour la mine d’Imouraren.
La société civile ne se contente plus de promesses. En saisissant le tribunal d’Arlit, elle pose une question fondamentale : qui paiera pour les décennies d’exploitation ayant pollué le désert nigérian ? L’audience du 9 mai sera un test pour la justice locale.
Au-delà du procès : le combat d’Arlit pour sa dignité et son avenir
Ce recours en justice va au-delà d’une simple procédure ; c’est une défiance envers un modèle extractiviste ayant longtemps ignoré les voix d’Arlit. Soutenus par des ONG comme Aghir In’man, les plaignants exigent non seulement la reprise des travaux, mais également une transparence accrue et une indemnisation équitable pour les travailleurs. Ils aspirent à un avenir où le sous-sol nigérien constitue une source de développement durable.
Le désert d’Arlit reste en suspens, les monticules radioactifs rappelant que le passé minier ne s’efface pas d’un trait de plume. Le 9 mai, le tribunal d’Arlit pourrait rendre justice non seulement aux travailleurs licenciés, mais aussi à une terre et à un peuple qui ne veulent pas être oubliés.