- Author, Awa Diop
- Role, BBC Afrique
La quinzième édition de la biennale de l’Art Africain contemporain démarre ce jeudi 07 novembre 2024 au 7 décembre prochain à Dakar la capitale Sénégalaise. Elle est placée sous le théme « The Wake » ou « L’éveil ».
Cette édition fait ressortir les défis auxquels les artistes africains font face, tels que les questions de justice sociale, d’environnement et d’identité culturelle.
Dans sa note conceptuelle, la directrice artistique de l’événement, Salimata Diop explique qu’il s’agit, dans ce thème, de lier le passé et l’avenir en leur conférant une importance égale.
Cette thématique est partiellement inspirée de l’ouvrage In the Wake : On Blackness and Black Being de la professeure Christina Sharpe qui examine la condition noire, ses représentations littéraires, visuelles et artistiques, en rapport avec les notions d’exhumation, de deuil et d’arrachement.
« On naviguera au fil de ce qu’évoque le terme wake (éveil, sillage, veillée mortuaire, gindiku), qui déploie un riche éventail sémantique offrant finalement un pont culturel et métaphorique entre art et société. »
À travers leurs œuvres, les créateurs abordent divers sujets, allant des réalités économiques et sociales du continent aux aspirations spirituelles et esthétiques. Ce thème vise également à célébrer la capacité des artistes africains à surmonter les obstacles pour se faire une place sur la scène internationale.
Au chapitre des innovations, pour cette 15e édition le « Grand Témoin », porté par l’artiste Kenyane, 𝐖𝐚𝐧𝐠𝐞𝐜𝐡𝐢 𝐌𝐮𝐭𝐮, propose une installation à grande échelle. Si l’on en croit la directrice artistique de la biennale Madame Salimata Diop : » Il s’agit d’une installation à grande échelle, quelque chose d’inédit et de pertinent »
Historique de l’événement
La Dak’Art a été conçue en 1989 comme une biennale alternant littérature et art. La biennale a été créée grâce à la volonté conjointe de l’Etat sénégalais qui en assume la tutelle, et des artistes locaux qui organisent depuis les années 1970 des expositions annuelles régulières.
Ces dernières mettent en lumière les différentes formes d’évolution de la création artistique contemporaine. L’objectif était d’en faire une vitrine de l’art et de la littérature en Afrique.
La première édition, en 1990, était consacrée à la littérature et celle de 1992 aux arts visuels. Après deux éditions, la décision fut prise de concentrer exclusivement la manifestation sur les arts visuels et le design avec une exposition à petite échelle consacrée aux textiles et à la tapisserie. Aujourd’hui, les arts numériques prennent leur place dans DAK’ART.
La Biennale de Dakar s’inscrit ainsi dans les mêmes traditions que Venise (1895), Sao Paulo (1951), La Havane (1984) Dak’Art tient sa quatorzième édition du 19 mai au 21 juin 2022.
Elle a permis de révéler de nombreux artistes africains.
Dak’Art a suscité des vocations et a aussi participé à renforcer la crédibilité et la notoriété de différents intervenants : curateurs, critiques d’art, journalistes culturels, responsables de galerie, scénographes, etc.
De nombreux événements sur l’art contemporain en Afrique comme en dehors du continent s’inspirent aussi de l’expérience de Dak’Art.
Role des institutions dans l’organisation de la biennale
L’Etat du Sénégal s’engage pour une biennale réussie et inclusive
Avec un budget d’1 milliard 800 millions de francs CFA mobilisé par l’Etat, la Biennale de Dakar, l’un des plus grands événements du monde de l’art moderne africain, est « une affaire de l’Etat du Sénégal et elle le restera, car c’est lui qui devra décider s’il faut la tenir ou pas. C’est aussi lui qui a la possibilité d’en définir les modalités et le contenu », a dit Khady Diène Gaye, la ministre de la Culture.
Le secteur privé, également a contribué autour de 291 millions de F Cfa. La ministre de la Culture signale également que certains de ses homologues, comme les ministres en charge de la Culture de la Guinée-Bissau et du Mali, sont aussi attendus au Dak’art 2024.
Pour cette édition, souligne Khady Diène Gaye, une orientation a été donnée de pouvoir « démocratiser » la biennale et faire en sorte que l’événement ne soit plus perçu comme une affaire réservée à une certaine élite, une affaire de luxe. Ainsi, un coin des tout-petits a été aménagé à l’ancien Palais de justice du Cap Manuel afin d’imprégner très tôt les enfants aux œuvres d’art et à la création artistique.
Le IN et le « OFF » parties intégrantes de l’événement culturel
Depuis 2002, le OFF est une caractéristique phare de cet événement. Outre l’exposition officielle avec la participation d’artistes sélectionnés, le OFF de Dak’Art donne l’opportunité à tous les acteurs de l’art et de la culture de présenter leur travail sans limite de qualité, de nationalité ou de critère de genre.
Le OFF de la Biennale d’Art Africain Contemporain de Dakar est constitué d’événements artistiques autonomes organisés autour de l’événement central et capitalise en moyenne deux cent cinquante (250) projets.
Et le volet »IN » de cette 15e édition avec ses 58 artistes sélectionnés. De même, la section design, qui n’a plus été en lice depuis plusieurs années, marque son retour avec le commissaire Ousmane Mbaye et l’hommage à la plasticienne sous-verre Anta Germaine Gaye et au défunt Ndoye Douts.
Le volet IN de la Biennale de Dakar revêt plus un statut pédagogique et joint l’utile à l’agréable avec des activités pour les élèves des ateliers et tables rondes avec les acteurs d’ici et d’ailleurs, des concerts entre autres.
Toujours dans le cadre du programme IN de cette 15e édition, environ 70 artistes d’Afrique et de la diaspora exposeront leurs œuvres dans les espaces les plus emblématiques de Dakar, comme le Musée des Civilisations noires et la Galerie nationale d’art. Cette sélection comprend aussi bien des artistes confirmés que de nouveaux talents. Ce qui témoigne de la diversité des approches et des médiums explorés par les créateurs africains contemporains.
Evolutions, et tendances de la Dak’Art
Si l’on en croit Idrissa DIALLO commissaire d’exposition à l’espace biennale, »L’espace biennale propose des Parcours variés qui célèbrent la créativité africaine et internationale sous de multiples formes. Le programme OFF permet de mettre en avant des artistes émergents et confirmés ».
Et malgré qu’elle fut reportée cette 15e édition de la biennale de Dakar promet en termes d’innovation avec la digitalisation. Idrissa DIALLO estime que cette année, le programme OFF de la Biennale est particulièrement riche, avec plus de 450 expositions réparties dans toute la ville, offrant un large éventail d’expressions artistiques contemporaines. Ces expositions incluent non seulement des peintures, mais aussi des installations, des photographies, des sculptures, des performances et des œuvres multimédia, permettant aux visiteurs de découvrir la diversité des talents et des pratiques artistiques actuelles.
Et pour faciliter l’accès et la découverte de ces multiples expositions, une application a été développée cette année. »Elle centralise toutes les informations sur les événements OFF et fournit des descriptions des expositions, des cartes interactives, des horaires, ainsi que des informations pratiques pour permettre aux visiteurs de s’orienter plus facilement et de ne rien manquer de cette édition riche et foisonnante ».
Dakar capitale de l’Art Africain Contemporain?
Dakar est aujourd’hui une capitale majeure de l’art contemporain en Afrique, notamment grâce à sa Biennale d’Art Contemporain, qui existe depuis plus de 30 ans. Cette longévité confère à Dakar une place incontournable dans le paysage artistique africain, attirant un large éventail de créateurs, de collectionneurs, de commissaires d’exposition et d’amateurs d’art du monde entier. La Biennale, mais aussi le dynamisme des institutions locales, des galeries et des espaces alternatifs, a permis de consolider Dakar comme un véritable pôle artistique en Afrique de l’Ouest, où se tissent des liens solides entre les cultures africaines et internationales.
Idrissa DIALLO souligne »qu’en termes de positionnement, Dakar est non seulement un lieu de visibilité pour les artistes africains, mais aussi un carrefour d’échanges et de réflexion. La ville a su jouer un rôle pionnier en offrant une plateforme de premier plan pour des expressions artistiques contemporaines africaines tout en permettant aux artistes de s’inscrire dans un dialogue global. Les expositions à la Biennale abordent souvent des enjeux contemporains de la migration aux questions d’identité, en passant par la mondialisation ce qui inscrit Dakar dans une réflexion esthétique, sociale et politique.
Au fil des années, Dakar a également favorisé l’émergence d’un écosystème artistique plus structuré, avec des résidences d’artistes, des projets éducatifs, et un soutien croissant aux jeunes talents. Ce rayonnement de Dakar dans les arts visuels positionne la ville comme une métropole culturelle qui non seulement reflète les aspirations de l’art africain contemporain, mais contribue aussi à façonner le futur de cet art dans le monde entier.
Quel est le statut actuel de l’Art africain contemporain?
L’art contemporain en Afrique est en pleine effervescence, avec des perspectives de croissance et de reconnaissance de plus en plus prometteuses. Sur le continent, l’essor de nouvelles galeries, musées et biennales, ainsi que le soutien accru de collectionneurs et de mécènes locaux, renforce les réseaux artistiques et crée des opportunités pour les artistes africains de s’exprimer à une échelle internationale.
À l’échelle mondiale, l’ancien directeur du village des Arts explique que l’art contemporain africain »suscite un intérêt croissant, notamment dans les grandes foires et expositions internationales. Les artistes africains sont de plus en plus présents sur la scène mondiale, et leur travail est reconnu pour sa richesse conceptuelle et esthétique. Les perspectives d’avenir incluent une intégration encore plus forte des artistes africains dans le marché de l’art global » .
De plus, les technologies numériques et les réseaux sociaux permettent aux artistes de partager leur travail directement avec un public global, élargissant les possibilités de visibilité et d’échange culturel. Cette transformation numérique, couplée à une scène artistique dynamique sur le continent, promet de faire de l’Afrique un acteur majeur dans l’art contemporain du XXIe siècle, avec des expressions qui influencent, enrichissent et diversifient l’art à l’échelle mondiale.