Huit mois après la présidentielle qui a porté au pouvoir le président Bassirou Diomaye Faye, les Sénégalais sont appelés aux urnes pour des élections législatives anticipées après la dissolution en septembre du Parlement issu des élections de 2022. La rédaction de BBC Afrique vous propose un guide simple sur ces législatives à fort enjeu.
Comme lors de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, ils seront plus de 7,3 millions d’électeurs inscrits qui voteront ce dimanche 17 novembre 2024 pour élire les 165 députés qui siégeront à l’Assemblée nationale pour 5 ans.
Ces élections législatives anticipées se tiennent après la dissolution du parlement prononcée en septembre par le président Bassirou Diomaye Faye.
Enjeux et mode de scrutin
Quels sont les enjeux de ces législatives anticipées ?
L’enjeu principal de ces élections est de savoir si les électeurs vont octroyer la majorité absolue à l’Assemblée nationale au régime incarné par le duo Diomaye – Sonko et donc les moyens de mettre en oeuvre leur programme ou s’ils feront le choix d’équilibrer les pouvoirs en donnant une majorité à l’opposition et ouvrir de fait la voie à une cohabitation.
Près de huit (8) mois après l’élection de Bassirou Diomaye Faye, le nouveau régime doit faire face aux très fortes attentes des Sénégalais et aux critiques d’une opposition qui veut imposer une cohabitation à l’Exécutif.
Elus sur la base d’un projet souverainiste en rupture totale avec l’ancien régime du président Macky Sall, le président Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko doivent trouver des réponses aux questions sociales urgentes notamment une inflation élevée et une pauvreté endémique, le chômage des jeunes exacerbé par les vagues de l’émigration irrégulière, la corruption et la justice sociale.
Les députés élus jouent un rôle important dans la démocratie sénégalaise.
En plus d’un rôle de représentation des citoyens, ils ont pour mission de voter les lois, de contrôler l’action gouvernementale et d’évaluer les politiques publiques.
Les 165 sièges du parlement seront répartis selon un mode de scrutin parallèle qui combine la représentation proportionnelle nationale et un scrutin majoritaire départemental à un tour.
Les sièges sont mis en jeu dans cinquante-quatre (54) circonscriptions électorales réparties ainsi qu’il suit : quarante-six (46) départements du Sénégal et huit (8) circonscriptions de la diaspora.
Cent douze (112) sièges sont pourvus au scrutin de liste majoritaire à raison d’un à sept sièges par circonscription, en fonction de la démographie de la circonscription.
La liste qui totalise le plus de voix dans une circonscription remporte tous les sièges mis en jeu dans ce département. Quinze (15) sièges sont réservés pour les circonscriptions de la diaspora.
Les cinquante-trois (53) sièges restants sont pourvus au scrutin proportionnel plurinominal sur la base du total des suffrages additionnés au niveau national.
Le nombre de sièges à pourvoir pour chaque liste sera déterminé par le quotient électoral défini par le rapport entre le nombre total de suffrages valablement exprimés et le nombre de sièges à pourvoir.
Les listes de candidats et de suppléants doivent obligatoirement être paritaires et alterner les candidats de l’un ou l’autre sexe conformément à la loi sur la parité votée en 2010.
Les principales forces en présence
Quarante et une (41) listes de coalitions et partis politiques sont en compétition pour les 165 sièges du parlement.
Ce nombre pléthorique s’explique par l’absence de parrainage citoyen qui sert de filtre pour limiter les candidatures, comme c’était le cas en 2022.
Parmi les plus en vue, on peut citer PASTEF-Les Patriotes, avec comme tête de file le Premier ministre Ousmane Sonko, Takku Wallu Sénégal, avec en tête de liste l’ancien président Macky Sall, la coalition Samm sa Kaddu qui a pour tête de liste le maire de Dakar, Barthélémy Dias, Jamm ak Njarin dirigée par l’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle, Amadou Ba.
Pastef et Ousmane Sonko :
En décidant de diriger la liste du PASTEF, Ousmane Sonko veut s’appuyer sur sa popularité et son leadership pour mobiliser l’électorat et faire basculer le maximum de circonscriptions dans l’escarcelle du parti au pouvoir.
Une victoire électorale et une majorité absolue à l’Assemblée nationale, tels sont les enjeux pour Diomaye Faye et Ousmane Sonko pour mener à bien leur programme politique à travers les réformes promises qui se font toujours attendre par les millions de sénégalais qui ont voté pour la rupture à plus de 54%, le 24 mars dernier.
Ce nouveau rendez-vous électoral de l’année 2024 marque le retour sur la scène politique sénégalaise de l’ex président Macky Sall, sept mois à peine après son départ de la présidence.
L’ancien chef d’Etat sénégalais (2012-2024) a démissionné de son poste d’envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, début octobre pour diriger la liste de la coalition de l’opposition Takku Wallu Sénégal, une alliance politique entre son parti l’Alliance pour la République (APR) et le Parti démocratique sénégalais (PDS) de son prédécesseur à la tête de l’Etat, Abdoulaye Wade.
Amadou BA, Barthelemy Dias
Candidat malheureux à la dernière présidentielle, l’ancien Premier ministre Amadou Ba crédité de 35% des suffrages au dernier scrutin présidentiel, se pose comme un potentiel chef de file d’une opposition en quête de leadership.
L’ancien chef du gouvernement sous le régime de Macky Sall s’est lancé à la conquête de sièges au parlement et se positionne sur une scène politique en pleine reconfiguration.
L’opposition s’est fixée comme objectif de contrer la déferlante du Pastef et d’imposer une cohabitation au nouveau régime incarné par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko.
Pour y parvenir, une stratégie d’inter-coalition a été mise sur pied et qui regroupe les trois principales coalitions de l’opposition dont « Takku Wallu Sénégal », « Jamm Ak Njariñ » et « Samm Sa Kaddu » de l’ex-maire de la capitale Khalifa Sall et dont la liste nationale est dirigée par l’actuel maire de Dakar Bathélémy Dias et ancien allié de Sonko et du Pastef, notamment lors des dernières locales de janvier 2022 et des législatives de juillet 2022.
Les résultats des législatives anticipées détermineront la reconfiguration politique pour les cinq prochaines années. Traditionnellement, les électeurs sénégalais ont toujours donné aux présidents élus une majorité confortable au Parlement, leur permettant ainsi d’exécuter le programme pour lequel ils ont été élus et de mettre en œuvre leurs réformes.
Une campagne émaillée de violences
La campagne électorale a débuté dimanche 28 octobre et a pris fin ce vendredi 15 novembre à minuit.
Ces trois semaines de campagne ont été émaillées de violences, d’agressions physiques et verbales et d’affrontements sporadiques entre partisans de différentes lices, malgré les nombreux appels au « calme » et à la « modération » lancés par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye.
Dès le lendemain de l’ouverture officielle de la campagne, le siège de Taxawu Sénégal, parti de l’opposant et ex-maire de la capitale Khalifa Sall, a été attaqué et incendié par des individus non encore identifiés.
La tension est montée d’un cran au cours des jours suivants. Le convoi du Premier ministre et tête de liste de Pastef Ousmane Sonko a été visé par des jets de pierre à Koungueul, dans le centre du pays et à Matam dans le Nord.
81 personnes dont plusieurs membres de la sécurité des coalitions «Takku-Wallu» et «Samm Sa Kaddu» ont été appréhendées par la Brigade d’intervention polyvalente de la police (BIP) dans la nuit du lundi au mardi, après l’attaque contre des marchands ambulants et des commerces au marché Sor de Saint Louis (Nord Ouest) dans l’après-midi du lundi, lors du passage d’une caravane de coalitions de l’opposition.
Elles ont été placées sous mandat de dépôt hier par le procureur de la République et seront jugées le 2 décembre prochain.
L’attaque avait fait plusieurs blessés par arme blanche, alors que des boutiques et des commerces avaient aussi fait l’objet de vol et de pillages de la part des assaillants.
Après avoir invité ses partisans à « se venger » des violences commises sur ses militants par des partisans de Barthélémy Dias, le maire de Dakar, Ousmane Sonko a lancé un appel au calme et au dépassement.
Composition de l’assemblée
Au Sénégal, une loi de 2010 exige la « parité absolue » entre les sexes dans toutes les institutions électives, avec des listes de candidats alternant hommes et femmes.
La 13e législature (2017-2022) était composée de 69 députés femmes sur un total de 165 sièges, soit 41,82 % de femmes, dépassant largement la moyenne mondiale (24,1 %) ainsi que celle de l’Afrique subsaharienne (23,8 %).
Plus de 44 % des sièges de l’Assemblée nationale élue le 31 juillet 2022 et dissoute le 12 septembre 2024, étaient ainsi occupés par des femmes, ce qui fait du Sénégal le pays avec la plus forte proportion de femmes dans un parlement en Afrique de l’Ouest.
Même si la loi impose une stricte parité dans les listes, aucune femme n’est tête de liste parmi les 41 listes en compétition, et parmi celles-ci, seule la liste du parti au pouvoir le Pastef a investi des candidats dans toutes les circonscriptions électorales du pays ainsi que celles de la diaspora.
Quand aura-t-on les résultats ?
La clôture de la campagne électorale est fixée au vendredi 15 novembre à minuit, tandis que la distribution des cartes d’électeurs se poursuivra jusqu’au samedi 16 novembre veille du scrutin à minuit, aussi bien au niveau national qu’à l’étranger.
Dimanche 17 novembre jour du scrutin, les bureaux de vote ouvrent à 8h00 (GMT) et ferment à 18h00 (GMT).
Les premières tendances devraient être connues dans la nuit. Les résultats départementaux seront publiés le mardi 19 novembre à minuit, et ceux à l’étranger seront communiqués le mercredi 20 novembre à midi. Les résultats finaux, publiés par la Commission nationale de recensement des votes, devront être disponibles au plus tard le vendredi 22 novembre à minuit.
En 2022 , les résultats définitifs officiels ont été proclamés par le Conseil constitutionnel 12 jours après la tenue des élections.
La nouvelle législature (15e) sera installée dans les 45 jours suivant la proclamation définitive des résultats.
Le Sénégal a connu ses dernières élections législatives le 31 juillet 2022.
Avec 83 députés, la coalition présidentielle d’alors « Benno Bokk Yakaar » avait remporté de peu la majorité absolue.
L’alliance de l’opposition « Yewwi-Wallu » comptabilisait 80 sièges dont 56 pour la coalition « Yewwi Askan Wi » dirigée par Ousmane Sonko et 24 sièges pour celle de « Wallu Sénégal » de l’ex-président Abdoulaye Wade.
Selon les résultats publiés par le Conseil constitutionnel, sur les 7.036.466 d’électeurs inscrits aux législatives en 2022 , 3.279.110 avaient voté soit un taux de participation de 46,60%.