Dans une région aussi tourmentée que le Sahel, où les crises sécuritaires et humanitaires s’entrelacent avec une intensité rare, des voix officielles portent un nouveau regard sur les enjeux qui s’y jouent. Lors du Forum de la diplomatie d’Antalya, du 11 au 13 avril à Belek, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, a fourni une analyse percutante : le retrait des forces militaires étrangères, notamment françaises, aurait perturbé les bases financières des groupes terroristes actifs dans cette vaste région sahélienne.
Cette affirmation, émise lors du panel « Le Sahel : l’avenir de l’intégration régionale », dépasse un constat isolé. Elle s’accompagne de critiques sévères envers des institutions telles que la CEDEAO et l’ONU, tout en mettant en lumière l’émergence de dynamiques régionales inédites, portées par l’Alliance des États du Sahel (AES). Cela esquisse une image d’une géopolitique sahélienne en mutation, nécessitant une compréhension approfondie.
Une secousse dans le financement des terroristes
Le ministre nigérien a affirmé avec clarté que le départ des contingents étrangers aurait produit une perturbation significative des ressources financières alimentant les factions terroristes. Cette rupture, loin d’être un simple épiphénomène, pourrait se traduire par une baisse notable des attaques menées et, par conséquent, un allègement du tribut en vies humaines. Si cette corrélation est confirmée par des données solides, elle remettrait sérieusement en question les fondements des interventions militaires internationales dans le Sahel. Longtemps vues comme un rempart contre l’expansion des groupes djihadistes, ces forces pourraient avoir, selon cette hypothèse, joué un rôle involontaire dans la pérennisation de circuits financiers clandestins.
Les modalités précises de cette désorganisation restent à éclaircir. Peut-être que le retrait a désarticulé des réseaux logistiques ou fragilisé les économies souterraines sur lesquelles ces groupes s’appuyaient. Bien que cette conjecture nécessite des preuves, elle offre des pistes intéressantes pour repenser les stratégies de lutte antiterroriste dans un contexte aussi complexe que celui du Sahel.
Une géopolitique en mutation
Les révélations du panel invitent à une réflexion rigoureuse sur les stratégies à adopter pour contrer le terrorisme et renforcer les solidarités régionales. Si le tarissement des ressources des groupes armés à la suite du retrait des forces étrangères se confirme, il est impératif de questionner les paradigmes qui ont jusqu’ici guidé l’intervention extérieure. Parallèlement, l’émergence de l’AES et le désintérêt croissant pour la CEDEAO évoquent un paysage politique en pleine transformation.
Il appartient maintenant aux acteurs régionaux et internationaux de tirer parti de ces bouleversements pour établir des cadres de coopération plus solides, adaptables aux réalités sahéliennes. La stabilité de cette région, aux ramifications dépassant ses frontières, repose sur cette aptitude à innover et à s’adapter. Les répercussions des bouleversements financiers des groupes terroristes et les réalignements stratégiques associés positionnent le Sahel à un tournant crucial.