Un vent de changement a balayé le sud-est du Niger, où l’armée nationale a annoncé, par le biais de son bulletin des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), son retrait de la Force Multinationale Mixte (FMM) et le lancement de l’opération Nalewa Dolé. Cette initiative, centrée sur la région de Diffa, vise à renforcer la protection des sites pétroliers, actifs économiques d’un pays affrontant des défis sécuritaires persistants. Ce tournant ne reflète pas seulement une réorganisation, mais une volonté de reprendre le contrôle d’une lutte précédemment menée sous une bannière régionale, dans une zone où la menace jihadiste demeure prégnante.

La FMM : une création régionale face à une menace transnationale

Pour saisir la portée de ce retrait, il est nécessaire de revenir aux origines de la FMM. Initiée en 1994 par la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), cette force a été réellement opérationnelle en 2015 avec l’approbation de l’Union Africaine. Réunissant le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et plus tard le Niger, elle avait pour mission de contrer l’expansion de groupes tels que Boko Haram et l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) dans le bassin du Lac Tchad.

Son état-major, basé à N’Djamena, a coordonné quatre secteurs, dont le Secteur 4, situé à Diffa, correspondant à la Zone de défense 5 du Niger. Cette coalition a réalisé des avancées notables, neutralisant des bastions jihadistes tout en redonnant espoir aux populations. Cependant, des tensions sont apparues, notamment avec la menace de retrait du Tchad, signe d’une unité régionale fragile.

Nalewa Dolé : une réponse souveraine aux enjeux pétroliers

Le retrait du Niger de la FMM n’est pas un abandon de la lutte antiterroriste, mais une redéfinition stratégique. L’opération Nalewa Dolé, qui implique de briser les chaînes de l’insécurité, s’inscrit dans une logique de souveraineté accrue. Diffa, située dans le sud-est du pays, abrite des installations pétrolières cruciales, notamment celles liées à l’exploitation du bassin de l’Agadem, dont les ressources sont désormais transportées via le pipeline Niger-Bénin, opérationnel depuis fin 2023.

Ces sites, vitaux pour l’économie nigérienne, ont déjà été attaqués, comme lors de l’attaque de juin 2024 par des rebelles, occasionnant des dégâts sur le pipeline et la perte de six soldats. Nalewa Dolé est ainsi mise en place pour protéger ces actifs face aux menaces des groupes armés opérant dans cette zone instable, à la lisière du Lac Tchad.

La FMM : un contexte régional en pleine mutation

Ce recentrage nigérien intervient dans un contexte régional en mutation. Le coup d’État de juillet 2023 a redessiné les alliances du pays. Le retrait des forces américaines en septembre 2024 et un pivot vers la Russie pour des partenariats sécuritaires illustrent une rupture avec les partenaires occidentaux.

Les tensions avec le Bénin, apaisées grâce à une médiation chinoise, ont permis la reprise des exportations pétrolières, mais la stabilité reste fragile. La remise en question de la participation du Tchad à la FMM complexifie encore la situation, ajoutant une incertitude à une coalition déjà fragilisée par des divergences stratégiques et logistiques. Le Niger, par ce désengagement, semble privilégier une approche unilatérale pour sécuriser son développement économique.

Une ambition à l’épreuve du terrain

L’opération Nalewa Dolé ne manque pas d’ambition. En se concentrant sur Diffa, l’armée nigérienne vise à protéger les infrastructures pétrolières et à réaffirmer sa présence dans une région où la menace jihadiste côtoie des défis humanitaires immenses, avec de nombreux déplacés vivant dans des conditions désespérées.

Cependant, cette aventure soulève des doutes. La FMM, malgré ses limites, offrait un cadre de coopération face à un ennemi complexe. En agissant seul, le Niger devra faire preuve d’ingéniosité pour contrer des groupes comme ISWAP, dont l’influence dépasse ses frontières.

Un futur suspendu entre audace et incertitude

Le lancement de Nalewa Dolé représente un tournant pour la junte nigérienne. Ce choix audacieux ouvre la voie à des possibilités où succès et dangers coexistent. La sécurisation des sites pétroliers renforcera-t-elle l’économie nationale ou exposera-t-elle davantage le Niger aux menaces ? La réponse dépendra de la capacité du pays à combiner ambition stratégique et résilience face aux défis à venir.

By Ibrahim