Niamey, 26 février 2025 – Dans une déclaration percutante faite le 20 février, le ministre nigérien de la Justice, Alio Daouda, a dénoncé le manque de rigueur des magistrats dans la lutte contre les détournements de fonds publics. Cette prise de position met en lumière des enquêtes bâclées, des saisies non effectuées et des cautions dérisoires, des pratiques qui sapent les droits de l’État et fragilisent la crédibilité du système judiciaire au Niger.
Une critique sans détours sur la justice
Lors d’une intervention relayée par plusieurs médias, Alio Daouda a exprimé ses inquiétudes concernant des défaillances systémiques au sein de la magistrature. Il a accusé certains juges de passivité face à des affaires de corruption. « Les enquêtes manquent de sérieux, les saisies ne sont pas ordonnées, et les cautions sont en deçà des montants détournés», a-t-il affirmé, alertant ainsi sur la dégradation de la capacité de l’État à récupérer les fonds illicitement acquis.
Cette prise de position survient alors que le Niger, membre de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Mali et le Burkina Faso, cherche à renforcer sa gouvernance. Le ministre a souligné que la lutte contre la corruption, prioritaire pour les autorités actuelles, ne pourra réussir sans un système judiciaire efficace.
Une justice sous pression
Depuis l’instauration du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) en juillet 2023, Alio Daouda a entrepris diverses réformes du secteur judiciaire, souvent critiqué pour sa lenteur. Il avait déjà évoqué la nécessité d’une « tolérance zéro » envers la corruption, un mal qui continue de gangrener l’État malgré les efforts fournis.
Les problèmes soulevés par le ministre ne sont pas nouveaux. Des études menées avant les États généraux de la justice de 2012 avaient déjà révélé l’ampleur de la corruption dans la justice. Cependant, les récents scandales impliquant des détournements de fonds publics ont amplifié la situation. Alio Daouda a indiqué que pour la première fois, des magistrats ont été incarcérés pour des indélicatesses, mais a précisé que ces actions restent insuffisantes face à la persistance de pratiques laxistes.
Des conséquences lourdes pour l’État
Les irrégularités mentionnées par Alio Daouda ont des conséquences concrètes. En laissant des enquêtes inachevées ou en fixant des cautions symboliques, les magistrats permettent aux présumés coupables de rester en liberté, privant l’État de ressources essentielles. Dans un pays où les besoins en infrastructures, éducation et santé sont immenses, chaque franc détourné représente un manque à gagner pour les citoyens nigériens.
Le ministre a également critiqué le « pacte secret » entre corrupteurs et corrompus, compliquant les investigations. « Tant que ce contrat de malveillance n’est pas brisé, il est difficile de démanteler les réseaux responsables de ces détournements », a-t-il ajouté, appelant à renforcer les capacités des pôles spécialisés en crimes économiques et financiers.
Une croisade anti-corruption en marche ?
Depuis sa prise de fonction, Alio Daouda s’est engagé dans une « croisade » contre la corruption, renouvelant cet engagement à chaque occasion. Parmi les mesures prises, il a mentionné la formation des magistrats et la mise en place d’un comité d’experts pour appliquer la convention de Mérida sur la lutte contre la corruption. « Nous commençons par nous-mêmes, car une justice corrompue ne peut pas combattre la corruption », a-t-il souligné.
Cependant, cette offensive suscite des critiques. Certains estiment que les reproches du ministre pourraient accentuer la méfiance envers un système judiciaire déjà mal perçu, tandis que d’autres y voient une pression politique sur les magistrats dans un contexte où l’indépendance de la justice est délicate au Niger.
Un appel à la mobilisation
Alio Daouda a lancé un appel aux acteurs judiciaires pour participer à cette bataille. « Nous devons offrir aux Nigériens une justice qui rassure, une justice équitable pour tous, sans discrimination », a-t-il insisté, réaffirmant son engagement à travailler sans relâche pour redresser la situation.
Alors que le Niger aspire à une renaissance sous l’égide de l’AES, cette dénonciation du ministre de la Justice résonne comme un électrochoc. Reste à voir si cela se traduira par des actions concrètes ou si cela ne sera qu’une nouvelle déclaration dans un pays où la lutte contre la corruption demeure un défi majeur. Les regards se tournent vers les magistrats, placés sous les projecteurs, en attente d’une réponse adéquate.