Chetima Wango, 18 mars 2025 — Dans la grisaille de l’aube d’hier, la position militaire de Chetima Wango, située près de Diffa dans le sud-est du Niger, a été le théâtre d’une nouvelle irruption sanglante. Des combattants de Boko Haram ont attaqué le camp avec une violence inouïe, causant chaos et désolation. Quatre soldats nigériens ont perdu la vie, tandis que sept autres ont été blessés, témoignant de la brutalité des affrontements. Ce matin, une cérémonie solennelle a eu lieu pour les enterrer dans la terre de Diffa, entourés de dignitaires et de la lourdeur d’une guerre persistante.

Chetima Wango : une offensive audacieuse, une riposte proclamée

L’assaut, mené par des éléments supposés affiliés à l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), a surpris par sa brutalité. Les assaillants, à bord de véhicules armés jusqu’aux dents, ont profité de l’obscurité, défiant ainsi les Forces de défense et de sécurité (FDS). Les combats intenses ont mélangé explosions et tirs automatiques. Bien que l’attaque ait été repoussée, le coût en vies humaines des soldats nigériens souligne la fragilité même de cette victoire.

Le gouverneur de Diffa, Mahamadou Bagadouma, s’est rendu sur le site pour transmettre un message de fermeté : « Nous utiliserons tous les moyens pour traquer ces ennemis et leur faire payer le prix qu’ils méritent ». Selon lui, la plupart des assaillants auraient été neutralisés, mais persiste un doute quant à l’efficacité de cette opération face à une menace qui se régénère sans cesse.

Niger : après l'attaque meurtrière de Boko Haram à Chetima Wango, les autorités promettent une riposte implacableDiffa, un bastion assiégé dans une guerre interminable

Depuis 2015, la région de Diffa endure un conflit incessant. Boko Haram, né au Nigeria, étend son influence au Niger, profitant des tensions sociales et des liens historiques. Chetima Wango, à seulement 25 km de Diffa, incarne ce front mouvant où la bravoure des soldats s’oppose à une menace insaisissable.

La Force multinationale mixte (FMM), regroupant le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun, a enregistré quelques succès, mais ceux-ci s’érodent face à la résilience des jihadistes. Les assaillants exploitent les méandres du fleuve Komadougou alors que l’isolement et l’instabilité économique exacerbent la situation du Niger. L’absence d’aides internationales, comme celles de l’USAID, accorde à Boko Haram une longévité redoutable.

Les oubliés de Loumbouram et la douleur silencieuse

Les conséquences de l’attaque dépassent les pertes militaires. Dans le village de Loumbouram, des civils ont été enlevés, s’ajoutant à une longue liste d’exactions. Diffa, qui abrite plus de 120 000 personnes déplacées, est à la peine, malgré les efforts des organisations humanitaires. Entre pillages et état d’urgence prolongé, la population oscille entre résignation et espoir.

Les funérailles des quatre soldats, célébrées avec solennité, ont voulu honorer leur sacrifice tout en insufflant courage aux troupes. Toutefois, cette mémoire poignante ne masque pas la réalité amère : chaque perte est une fissure de plus dans un fragile édifice sécuritaire.

Chetima Wango : une détermination affichée, une réalité insaisissable

« Nous nous battrons jusqu’à ce que le dernier ennemi soit vaincu », a affirmé le gouverneur Bagadouma. Cependant, cette détermination se heurte à des défis structurels. La marginalisation économique et l’isolement nourrissent un terreau fertile pour les idéologies extrêmes. Boko Haram n’est pas simplement un groupe armé, mais une force s’alimentant du désespoir des jeunes sans avenir.

Les autorités, malgré leur posture offensive, semblent méconnaître que cette guerre ne se résoudra pas par la seule force. L’arrêt des initiatives de développement laisse un vide que les discours enflammés ne peuvent combler. La chasse aux « ennemis » promise ne sera un pansement que tant que les racines du mal (injustice, pauvreté, abandon) resteront intactes.

Un horizon voilé de questions

Alors que les tombes des héros à Chetima Wango s’ajoutent au cimetière grandissant, une question se pose : jusqu’où ce cycle de violence entraînera-t-il le Niger ? La liquidation des assaillants, annoncée par les officiels, n’annihile pas la menace d’une nouvelle offensive, toujours latente. Les forces de défense, devant un ennemi flexible, éprouvent leurs limites.

Pour les habitants de Diffa, la vie se résume à une survie fragile, rythmée par les combats et des promesses d’un lendemain meilleur. La lutte contre Boko Haram représente plus qu’un conflit militaire; elle constitue un défi existentiel : pourrait-elle un jour dépassé le champ de bataille pour adresser les maux sous-jacents ? Ou bien ce conflit, tel un fleuve en crue, continuera-t-il d’engloutir espoirs et destins ? L’avenir reste une énigme que ni les armes ni les mots n’ont encore déchiffrée.

By Ibrahim