Niger : Abdourahamane Tiani accuse la France d’orchestrer des enlèvements au Sahel
Niamey, 2 juin 2025 – Lors d’une allocution à la télévision nationale, le général Abdourahamane Tiani a accusé la France de planifier des enlèvements d’étrangers dans le Sahel. Ses déclarations, empreintes de gravité, mettent en lumière les tensions géopolitiques dans la région, marquée par des rivalités internationales et des luttes contre l’insécurité. Alors que le Niger cherche à renforcer son autonomie vis-à-vis de ses anciens partenaires occidentaux, ces allégations soulèvent des questions sur la stabilité régionale.
Des accusations audacieuses : la France ciblée par Niamey
Dans son discours du 31 mai, le général Tiani a évoqué un complot présumé attribuant à la France la responsabilité d’enlèvements de ressortissants étrangers. Il a mentionné un certain Boubacar Dabounguel comme coordinateur des opérations, avec trois complices locaux nommés Momo, Ibrahim et Oumar. Ces derniers auraient été impliqués dans le kidnapping d’un citoyen espagnol à Tamanrasset et de deux femmes, l’une autrichienne et l’autre suisse, à Agadez. Selon Tiani, l’objectif de ces actes serait de décourager les investisseurs étrangers et de maintenir l’UE sous l’influence de Paris.
Ces allégations, faites sans preuves, interviennent dans un contexte de relations tendues entre Niamey et Paris. Depuis l’expulsion des forces françaises en 2023, suite au coup d’État contre le président Mohamed Bazoum, le Niger a tourné le dos à son ancien partenaire colonial, se rapprochant de la Russie et d’autres pays comme le Mali et le Burkina Faso au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Le Sahel en crise : un contexte d’enlèvements croissants
Le Sahel, étendue semi-aride entre la Mauritanie et le Soudan, est devenu un foyer d’instabilité, avec des groupes armés liés à l’État islamique ou Al-Qaïda. Le Niger, en particulier, subit des attaques dans ses régions frontalières, notamment à Tillabéri et Diffa, où des enlèvements sont fréquents. L’enlèvement, le 11 janvier 2025, d’une résidente d’Agadez, Eva G., a choqué la communauté expatriée. Plusieurs enlèvements récents illustrent l’insécurité chronique dans la région.
Ces actes, souvent attribués à des bandes criminelles, visent à financer des opérations par le biais de rançons. Selon un rapport de l’Institut de la Mémoire Nationale du Niger, les enlèvements d’étrangers dans le Sahel ont augmenté de 20 % entre 2023 et 2024, accentuant la dégradation du climat sécuritaire. Les accusations de Tiani, bien que non vérifiées, pourraient servir à établir un lien entre ces actes et une manipulation extérieure, exacerbant la méfiance envers les partenaires occidentaux.
Une rhétorique souverainiste en réponse à la politique étrangère
Depuis son accession au pouvoir, Tiani se positionne comme un défenseur d’une souveraineté retrouvée, dénonçant l’ingérence, notamment celle de la France. Ses accusations s’inscrivent dans une série de déclarations hostiles visant à mobiliser l’opinion publique nigérienne, fatiguée de l’absence de résultats face à l’insécurité. La formation de l’Alliance des États du Sahel en septembre 2023 avec le Mali et le Burkina Faso renforce ce mouvement.
Cependant, sans preuves publiques, ces accusations pourraient aggraver les tensions avec l’Union européenne, dont le Niger dépend encore pour un soutien au développement. L’UE a envoyé son envoyé spécial pour le Sahel à Vienne, où il pourrait être interrogé sur ces accusations. La France a qualifié ces déclarations de « sans fondement », réaffirmant son engagement contre le terrorisme dans la région.
Le Sahel : une quête de stabilité dans un contexte géopolitique complexe
Les accusations de Tiani soulignent les interactions complexes au Sahel, où les rivalités géopolitiques et les enjeux de sécurité s’entrelacent. Le Niger, avec ses 24 millions d’habitants et ses ressources en uranium, est un acteur clé de la région. Cependant, des inquiétudes demeurent quant à sa capacité à stabiliser le pays dans un contexte de transition politique. Les déclarations de Tiani représentent non seulement un défi à l’ordre établi, mais risquent aussi de conduire à un isolement sur la scène internationale.