Bamako, théâtre d’un dialogue historique : l’AES et la CEDEAO à la croisée des chemins

Bamako, 22 mai 2025 — Sous le ciel ardent de la capitale malienne, un chapitre inédit de l’histoire ouest-africaine s’est écrit ce jeudi. Pour la première fois, la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), unie par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a tendu la main à la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) lors d’une réunion ministérielle cruciale. Orchestrée par le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga, cette rencontre, réunissant les chefs de la diplomatie des trois nations sahéliennes et le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, marque un tournant décisif dans un divorce régional jusqu’alors jugé irrévocable. Dans un contexte de tensions géopolitiques et d’insécurité galopante, ce dialogue fragile mais audacieux porte un immense espoir d’une coexistence apaisée.

L’AES et la CEDEAO : le pari de la réconciliation s’ouvre !

Née le 16 septembre 2023 comme un rempart face aux menaces d’intervention militaire de la CEDEAO après le coup d’État au Niger, l’AES s’est transformée en confédération ambitieuse, scellée le 6 juillet 2024 à Niamey. Dirigée par des autorités militaires – Assimi Goïta au Mali, Ibrahim Traoré au Burkina Faso et Abdourahamane Tiani au Niger –, elle a rompu avec la CEDEAO le 29 janvier 2025. Cependant, ce 22 mai, Bamako a vibré d’un esprit de conciliation. « Nous privilégions l’intérêt supérieur de nos peuples », a déclaré Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères du Mali, exprimant une volonté de coopération qui ne renie pas la souveraineté de l’AES. Les discussions, axées sur la sécurité, la libre circulation et le commerce, ont esquissé les contours d’une relation future, néanmoins sans effacer les divergences passées.

Une réunion ministérielle historiqueSchisme régional : quels impacts pour l’Afrique de l’Ouest ?

La rupture entre l’AES et la CEDEAO, consécutive à des sanctions sévères imposées aux trois pays post-putschs, a fragilisé l’intégration régionale. En effet, avec 2,7 millions de km² et 70 millions d’habitants, l’AES représente une amputation significative pour la CEDEAO, qui perd près de la moitié de son territoire. L’introduction d’un passeport commun, d’un drapeau et d’une politique culturelle partagée, ainsi que l’annonce d’une monnaie propre, le « Sahel », témoignent d’une quête d’autonomie. Toutefois, des défis subsistent : le refus de certains pays, comme le Sénégal, de reconnaître le passeport de l’AES et l’enclavement des trois nations, dépendantes des ports voisins pour leurs exportations, notamment d’uranium nigérien, vital pour l’Union européenne.

CEDEAO : la stratégie de la médiation face au temps

La CEDEAO, consciente des risques de « désintégration régionale », mise sur la médiation de figures influentes comme le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son homologue togolais Faure Gnassingbé. Faye, dont le discours souverainiste résonne avec celui de l’AES, a plaidé pour une CEDEAO réformée, capable de répondre aux aspirations populaires. À Bamako, les Ministres ont exploré des mécanismes pour préserver la libre circulation des biens et des personnes, menacée par le retrait de l’AES. « Nos peuples, liés par l’histoire et la fraternité, ne sauraient être divisés par des frontières artificielles », a insisté un délégué burkinabè.

Une réunion ministérielle historiqueDialogue AES-CEDEAO : incertitudes et promesses pour l’avenir

Ce dialogue, salué comme un « signal d’espoir » par des observateurs ouest-africains, ne masque pas les écueils à surmonter. En particulier, la lutte contre les groupes jihadistes exige une coordination régionale que l’AES et la CEDEAO peinent à harmoniser. De plus, les ambitions économiques de l’AES dans l’énergie et l’agriculture pourraient séduire d’autres nations, mais risquent d’isoler les trois pays si les ponts avec la CEDEAO s’effondrent.

By Ibrahim