Sommet historique à Abuja : le Nigeria tend la main aux États du Sahel
Dans un geste diplomatique exceptionnel, le Nigeria, puissance économique de l’Afrique de l’Ouest, a invité les nations de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali et Niger – à participer au Sommet Économique de l’Afrique de l’Ouest, prévu les 20 et 21 juin 2025 au Centre international de conférences Bola Ahmed Tinubu d’Abuja. Cette invitation, annoncée le 17 juin par le Ministre des Affaires étrangères, l’ambassadeur Yusuf Tuggar, symbolise un appel à l’unité régionale face aux fractures occasionnées par le retrait de ces trois pays de la CEDEAO en janvier 2025. Ce sommet pourrait redéfinir la coopération ouest-africaine alors que le dialogue s’oppose aux divisions.
Sahel en ébullition : le Nigeria cherche l’apaisement
Le retrait de l’AES de la CEDEAO a engendré une rupture significative dans l’architecture régionale. Les dirigeants de Niamey, Ouagadougou et Bamako ont dénoncé des sanctions « inhumaines » et une dépendance excessive envers les puissances occidentales, créant ainsi leur propre pacte, l’AES. Cependant, le Nigeria, sous la présidence de Bola Tinubu, actuel président de la CEDEAO, s’efforce de ne pas laisser ces divergences dresser des barrières. « Leur sortie de la CEDEAO ne met pas en péril les liens commerciaux et de coopération », a déclaré Tuggar lors d’une conférence de presse à Abuja, soulignant la fraternité ouest-africaine.
Abuja 2025 : un sommet pour l’unification de l’ouest africain
Ce sommet, conçu comme une plateforme économique majeure, réunira Chefs d’État, Ministres, chefs d’entreprise et partenaires internationaux. L’événement comprendra un forum présidentiel, des expositions d’investissement, et une « salle des transactions » pour sceller des accords entre gouvernements et entreprises, ainsi que des manifestations culturelles mettant en valeur l’héritage ouest-africain. L’objectif sera d’ouvrir les opportunités commerciales et de consolider l’intégration régionale, en lien avec les ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Un pari audacieux : l’AES répondra-t-elle à l’invitation du Nigeria ?
L’invitation adressée à l’AES par des émissaires spéciaux de Tinubu est un pari audacieux. Les relations entre la CEDEAO et ces nations sahéliennes demeurent tendues malgré des échanges récents. La participation des leaders de l’AES – le général Abdourahamane Tiani, le colonel Assimi Goïta et le capitaine Ibrahim Traoré – est incertaine, leur présence à Abuja pouvant être interprétée comme une reconnaissance tacite de la CEDEAO.
Intérêts communs : vers un rapprochement économique
Le Nigeria mise sur des intérêts communs pour faciliter les relations. Tuggar a souligné l’importance des échanges bilatéraux, notamment à travers la Commission mixte Nigeria-Niger, qui soutient des projets d’infrastructures transfrontalières. « Le commerce ne s’arrête pas aux frontières », a-t-il dit, rappelant que les corridors commerciaux restent essentiels pour ces nations enclavées. Cette approche pragmatique, avec une population de 446 millions d’habitants et un PIB régional de 702 milliards de dollars, témoigne de l’urgence de préserver l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest.
La CEDEAO face à l’enjeu de l’unité retrouvée
Ce sommet représente l’aspiration du Nigeria pour maintenir l’intégration régionale, malgré les difficultés. Fondée en 1975, la CEDEAO a été fragilisée par le départ de l’AES, entraînant la perte de 76 millions d’habitants et d’une partie de son territoire. Toutefois, l’organisation continue à proposer des concessions, comme la reconnaissance des passeports, pour faciliter les relations post-retrait. L’initiative nigériane pourrait apaiser les tensions, à condition que l’AES considère cela comme une opportunité.
L’avenir de l’ouest africain se dessine à Abuja
À Niamey, Ouagadougou et Bamako, les réactions vont de la prudence au scepticisme. À l’approche de la date du Sommet Économique de l’Afrique de l’Ouest, Abuja se prépare à accueillir un dialogue crucial. Ce sommet pourrait jeter les bases d’une réconciliation économique, sinon politique, en Afrique de l’Ouest. Dans un contexte de défis sécuritaires et climatiques, le geste du Nigeria rappelle que l’unité régionale doit primer sur les divergences.