Niger : Une expulsion controversée du CICR secoue le paysage humanitaire sahélien

Niamey, 2 juin 2025 – Le 31 mai, le général Abdourahamane Tiani, chef de l’État, a justifié l’expulsion, fin janvier 2025, du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) du Niger. Cette décision repose sur des allégations de collusion entre l’organisation et des réseaux soutenant des groupes armés dans le Sahel, comme Boko Haram et l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). Prononcées lors d’un entretien télévisé, ces accusations jettent une ombre sur la neutralité du CICR et ravivent les tensions dans une région où l’humanitaire et le sécuritaire s’entremêlent.

Rupture brutale avec un acteur humanitaire emblématique

Le 28 janvier 2025, les autorités nigériennes ont suspendu les activités du CICR, présent depuis 1986 et connu pour son aide aux populations en crise. Cette décision a surpris, tant le CICR jouit d’une réputation mondiale pour son impartialité. Le général Tiani affirme que des émissaires du CICR auraient participé à des réunions, les 25 janvier et 3 février, à Abuja, où des délégations de France, des États-Unis, du Nigeria, du Bénin et de la Côte d’Ivoire auraient été présentes, aux côtés de figures liées à Boko Haram et ISWAP.

Tiani soutient que ces discussions visaient à coordonner un soutien financier et logistique aux groupes armés pour déstabiliser le Niger et d’autres membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). Bien qu’il ait affirmé détenir des preuves, aucune n’a été rendue publique, laissant planer un doute sur la véracité de ces allégations. Le CICR a exprimé son « profond regret » face à la décision, réaffirmant son engagement à respecter les principes d’indépendance et de neutralité.

Un contexte géopolitique sahélien inflammable

Cette expulsion intervient alors que le Niger fait face à des crises chroniques. Le Sahel est le théâtre de violences, avec Boko Haram et ISWAP qui prospèrent, notamment dans la région de Diffa, touchée par des attaques et des enlèvements, comptant plus de 200 000 déplacés en 2024. Avant son expulsion, le CICR jouait un rôle crucial en fournissant de l’eau potable et des soins médicaux. Son départ, suivi de celui d’autres ONG comme Médecins Sans Frontières, crée un vide dans l’aide humanitaire, alors que 4,3 millions de Nigériens en dépendent.

Les réunions d’Abuja : au cœur des soupçons nigériens

Les réunions évoquées par Tiani alimentent les spéculations. Bien qu’elles n’aient pas été confirmées par des sources indépendantes, des posts sur la plateforme X décrivent ces rencontres comme visant à canaliser des fonds vers des groupes armés via le Nigeria, le Bénin et la Côte d’Ivoire. Le Nigeria, luttant contre Boko Haram et ISWAP depuis plus d’une décennie, a intensifié ses efforts contre le financement du terrorisme sans mentionner l’implication du CICR.

Historiquement, le CICR a joué un rôle de médiation, notamment pour négocier des libérations d’otages. Cependant, son association à des groupes armés, comme allégué par Tiani, constitue une accusation sans précédent qui pourrait nuire à sa crédibilité.

L’expulsion du CICR : une onde de choc pour l’humanitaire sahélien

Cette expulsion soulève des questions sur l’avenir de l’aide humanitaire dans une région aux besoins croissants. La suspension des activités du CICR, qui employait plus de 200 personnes, risque d’aggraver la situation dans des zones comme Tillabéri et Diffa. Bien que des ONG locales tentent de combler ce vide, leurs ressources restent limitées.

Au niveau international, cette décision alimente le débat sur la neutralité humanitaire. Les accusations de Tiani, bien que nouvelles, résonnent avec des critiques passées dans d’autres pays. En 2019, le Nigeria avait suspendu certaines ONG accusées de minimer le soutien à Boko Haram, soulevant une vive contestation internationale.

Coopération régionale : Un avenir incertain pour le Sahel

En somme, le Niger se trouve à un carrefour. Les accusations de Tiani pourraient isoler davantage le pays. Pendant ce temps, le CICR cherche à dialoguer pour restaurer ses opérations. Alors que les crises s’entrelacent au Sahel, l’expulsion d’une organisation humanitaire de premier plan constitue un tournant préoccupant dans la protection des populations.

By Ibrahim