C’est un fléau aux lourdes conséquences économiques, mais aussi et surtout écologiques et sociales : la pêche illégale. La Fondation de la Mer appelle à un sursaut diplomatique, politique et juridique pour combattre cette pratique criminelle qui est répandue dans le monde entier.
On l’appelle aussi « pêche INN », pour pêche illégale, non déclarée, non réglementée. Il s’agit de navires qui pratiquent la pêche sans autorisation, contrairement aux lois et règlementations en vigueur. Une fois pêchés, les poissons ne sont pas déclarés et entrent en tant que « poissons fantômes » sur le marché mondial. Aux 80 millions de tonnes de poissons officiellement pêchées chaque année dans le monde s’ajoutent 26 millions de tonnes pêchées illégalement. Un poisson sur cinq dans le commerce a donc été pêché illégalement.
La pêche illégale nuit aux océans et aux humains
Selon le dernier rapport de la Fondation de la Mer, cette pratique met gravement en péril la biodiversité des océans. Quelque 38% des stocks de poissons souffrent déjà de la surexploitation. La pêche illégale menace ainsi le renouvellement d’une ressource dont dépendent directement l’alimentation et les revenus de 3,2 milliards de personnes, notamment dans les pays en développement. Cette méthode criminelle se reflète aussi dans les conditions de vie et de travail sur les navires, où les équipages sont soumis à un système d’esclavage moderne.
La pêche illégale repose sur le crime organisé international
Selon la Fondation de la Mer, les études montrent que le premier pays à pratiquer la pêche INN est la Chine. Mais les acteurs de la pêche illégale font partie du crime organisé international. « Il y a un lien intrinsèque entre le trafic de drogue et la pêche illégale », explique Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer. « La Marine nationale saisit régulièrement des bateaux de pêche qui ont un peu de poissons et beaucoup de drogue dans leurs soutes. Et puis, il y a aussi des mafias, liés aux yakuzas japonais, qui détournent, de façon massive, la pêche dans les océans. C’est une activité extrêmement rentable. On parle de dizaines de milliards de dollars de chiffres d’affaires par an issus de la pêche illégale. C’est bien pour cela qu’elle se développe ».
Une « diplomatie de la pêche » pour venir à bout d’un fléau mondial
La Fondation de la Mer a formulé 89 préconisations, qui incluent des volets scientifiques, technologiques, juridiques et politiques.
Sabine Roux de Bézieux réclame une véritable « diplomatie de la pêche ». Une responsabilité spécifique incombe à l’Union européenne, la plus grande importatrice de poisson au monde. « Quand on a une puissance de marché, une puissance d’acheteur, il faut l’utiliser pour imposer des règles aux pays d’où on importe les produits de la mer », souligne la présidente de la Fondation de la Mer. « L’Union européenne a un système de cartons jaunes et rouges qu’elle utilise pour bloquer des pays qui ne mettent pas en œuvre des règlementations pour lutter contre la pêche illégale. Ça fonctionne. La Fondation de la Mer recommande que ces cartons soient davantage utilisés et que l’Union européenne impose aux pays d’où elle importe des produits les mêmes règles que celles qu’elle impose aux pêcheurs dans ses propres eaux. »
Un système qui a déjà fait ses preuves : l’Équateur, par exemple, a mis en place une réforme complète de son régime de pêche à la suite d’un carton jaune de l’Union européenne, et les progrès ont été immédiats.