- Author, Frank Gardner
- Role, Correspondant Sécurité BBC News
Le compte à rebours semble s’enclencher vers des représailles presque inévitables de la part d’Israël à la suite de l’attaque de missiles multiples lancée la semaine dernière par l’Iran. Selon l’Iran, cette attaque était une réponse à l’assassinat par Israël du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et, auparavant, du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, tous deux proches alliés de l’Iran.
Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a promis mercredi que les représailles israéliennes seraient « précises et mortelles » et que l’Iran ne les verrait pas venir.
L’Iran a averti les États arabes du Golfe, dont certains entretiennent des relations diplomatiques complètes avec Israël, de ne pas laisser leur espace aérien être utilisé pour une quelconque attaque. Il a également déclaré que tout pays qui aiderait Israël à attaquer l’Iran serait considéré comme une cible pour la riposte iranienne.
Ce ne sont là que quelques-uns des facteurs pris en considération à l’heure actuelle, alors que les États-Unis et Israël se concertent sur la forme que prendra l’attaque prévue par Israël. Washington a déjà fait savoir publiquement qu’il était opposé à toute action contre les installations nucléaires iraniennes. Avec l’élection présidentielle américaine qui se profile dans moins de quatre semaines, la Maison Blanche ne verra pas d’un bon œil une attaque contre les installations pétrolières qui ferait grimper les prix à la pompe. Elle ne voudra pas non plus être entraînée dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.
Que se passera-t-il ensuite ?
La retenue à laquelle les alliés d’Israël l’ont invité la dernière fois qu’une telle situation s’est présentée en avril est plus discrète cette fois-ci. Et compte tenu de la détermination d’Israël à s’attaquer à tous ses ennemis à la fois – au Liban, à Gaza, au Yémen et en Syrie -, le gouvernement Netanyahou ne semble pas disposé à se retenir.
Aidées par les renseignements satellitaires américains et par les agents humains du Mossad (l’agence israélienne d’espionnage à l’étranger) présents sur le terrain en Iran, les Forces de défense israéliennes (FDI) disposent d’un large éventail de cibles. Celles-ci peuvent être divisées en trois catégories :
- Militaires conventionnels – Les bases à partir desquelles l’Iran a lancé ses missiles balistiques constituent une cible évidente et précoce. Il s’agit donc des rampes de lancement, des centres de commandement et de contrôle, des réservoirs de ravitaillement et des bunkers de stockage. Elle pourrait aller plus loin et frapper des bases appartenant au CGRI ainsi que des défenses aériennes et d’autres batteries de missiles. Elle pourrait même tenter d’assassiner des personnes clés impliquées dans le programme de missiles balistiques de l’Iran.
- Économique – Il s’agirait des actifs les plus vulnérables de l’État iranien – ses usines pétrochimiques, sa production d’électricité et éventuellement ses intérêts dans le domaine du transport maritime. Il s’agirait toutefois d’une mesure profondément impopulaire en Iran, car elle finirait par nuire à la vie des gens ordinaires bien plus que n’importe quelle attaque contre l’armée.
- Nucléaire – C’est le plus important pour Israël. C’est un fait avéré, établi par l’organisme de surveillance nucléaire des Nations unies, l’AIEA, que l’Iran enrichit de l’uranium bien au-delà des 20 % nécessaires à la production d’énergie nucléaire à des fins civiles. Israël, et d’autres, soupçonnent l’Iran d’essayer d’atteindre le « point de rupture » qui lui permettrait de fabriquer une bombe nucléaire dans un délai très court. Les sites figurant sur la liste des cibles potentielles d’Israël comprennent Parchin, l’épicentre du programme nucléaire militaire iranien, les réacteurs de recherche de Téhéran, Bonab et Ramsar, ainsi que les principales installations de Bushehr, Natanz, Ispahan et Ferdow.
Une grande partie de leurs calculs consistera à essayer de deviner la réaction de l’Iran à son tour et la manière de l’atténuer. La position iranienne est qu’après avoir lancé ces missiles sur ce qu’elle dit être des cibles militaires israéliennes mardi, le compte est désormais bon. Mais il prévient que si Israël riposte, il le fera à son tour.
« Ce n’est qu’un aperçu de nos capacités », a déclaré le président iranien Masoud Pezeshkian. Le Corps des gardiens de la révolution islamique a renforcé ce message en déclarant : « Si le régime sioniste répond aux opérations de l’Iran, il sera confronté à des attaques écrasantes.
L’Iran ne peut pas vaincre Israël militairement. Son armée de l’air est vieille et décrépite, ses défenses aériennes sont poreuses et il a dû faire face à des années de sanctions occidentales.
Mais il dispose toujours d’une énorme quantité de missiles balistiques et autres, de drones chargés d’explosifs et de nombreuses milices alliées par procuration dans tout le Moyen-Orient. Sa prochaine volée de missiles pourrait bien viser des zones résidentielles israéliennes plutôt que des bases militaires. L’attaque menée par une milice soutenue par l’Iran contre les installations pétrolières de l’Arabie saoudite en 2019 a montré à quel point ses voisins sont vulnérables aux attaques.
La marine du CGRI, qui opère dans le Golfe, dispose d’importantes flottilles de petits bateaux d’attaque de missiles rapides qui pourraient, potentiellement, submerger les défenses d’un navire de guerre de la 5e flotte de l’US Navy lors d’une attaque en essaim. S’il en recevait l’ordre, il pourrait tenter de semer des mines dans le détroit d’Ormuz, interrompant ainsi jusqu’à 20 % des exportations quotidiennes de pétrole, ce qui aurait un impact majeur sur l’économie mondiale.
Et puis il y a toutes les bases militaires américaines, disséminées le long de la rive arabe du Golfe, du Koweït à Oman. L’Iran a prévenu que s’il était attaqué, il ne se contenterait pas de riposter contre Israël, mais qu’il prendrait pour cible tout pays qu’il percevrait comme soutenant cette attaque.
Ce ne sont là que quelques-uns des scénarios que les responsables de la planification de la défense à Tel-Aviv et à Washington vont maintenant envisager.