Le Stade d’Abidjan, premier vainqueur ivoirien de la Ligue des champions africaine en 1966, retrouve la prestigieuse compétition après plus de cinquante ans d’absence. Ce retour au premier plan porte la signature de l’entraineur français Alexandre Lafitte, 27 ans et plus jeune coach d’un club professionnel au monde. A la veille de s’élancer vers un nouveau grand défi, avec un premier match au Caire contre l’insubmersible Al Ahly, Lafitte a bien voulu se confier à RFI.

RFI: Rencontrer d’entrée l’ogre Al Ahly, tenant du titre et recordman des trophées remportés, est-ce une chance pour le Stade d’Abidjan ou vous auriez préféré croiser les Égyptiens plus tard ?

Alexandre Lafitte: (sans hésiter) Non, c’est une chance, sincèrement. On est très fiers de pouvoir jouer, ce type d’adversaire, c’est pour ça qu’on fait du foot et qu’on joue la Ligue des champions. C’est pour jouer les meilleures équipes en Afrique et donc pour nous, c’est une opportunité de pouvoir nous tester.

Et comment prépare-t-on ce genre de match quand on rencontre une si grosse cylindrée ?

Sincèrement, on travaille de manière très précise pour mettre les joueurs dans les mêmes conditions de match en essayant d’analyser tous les points forts, les points vulnérables de l’adversaire et optimiser nos qualités. Donc, il y a un très gros travail d’analyse qui est fait pour avoir différents plans de jeu, différentes possibilités pour aller là-bas avec l’ambition d’aller chercher un résultat.

Il va falloir gérer la qualité de l’équipe d’Al Ahly, mais aussi l’accueil du public égyptien très chaud. Est-ce que tout ça, ce n’est pas beaucoup une équipe qui va (re) découvrir la Ligue des champions ?

On a des joueurs qui ont l’expérience, qui ont déjà vécu ce genre de match. Après, on fait en sorte d’essayer de préparer les joueurs dans des conditions idoines avec, à l’entraînement, des bruits de chants de supporters par exemple. On tente de travailler après sur l’imagerie mentale en préparant le cerveau à ce genre de rencontre, à cette pression, pour qu’on puisse plus l’utiliser avec nous que contre nous. Il faut bien démarrer, essayer d’aller chercher des points au Caire. C’est important. Puis derrière, à Abidjan, il faudra qu’on fasse le travail.

Vous êtes présenté comme le plus jeune coach d’une équipe professionnelle dans le monde. Vous apprenez et vous progressez sûrement en même temps que votre équipe. Qu’est-ce que vous avez appris depuis votre arrivée en 2023 à Abidjan ?

J’ai surtout appris à gérer le contexte, l’environnement ici, à gérer aussi la pression, à être capable de mettre mes joueurs dans les meilleures conditions pour performer. Cela a été très important. Et après, on progresse en équipe. Nous sommes une équipe qui a beaucoup la possession, qui fait beaucoup d’efforts. On essaie aussi d’avoir d’autres options de jeu, pour pouvoir être capable de répondre présent, quelles que soient les adversités. Et je pense qu’actuellement, on est en train de progresser.

Qu’est-ce que cela vous fait quand on évoque souvent votre jeune âge ? Est-ce que c’est plus une fierté ou vous pensez que cela éclipse un peu vos performances ?

Non, je pense qu’au contraire, c’est une fierté. On parle, c’est vrai, de mon âge, mais on l’associe aux performances. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, l’équipe ivoirienne qui est en Ligue des champions est entraînée par un entraîneur qui a 27 ans. Donc, c’est ça la fierté que je peux avoir et que l’équipe peut avoir. Après, l’âge maintenant, je n’y porte plus attention.

Sur cette question de l’âge, comment vous gérez l’aspect droit d’ainesse, respect aux anciens, très important en Côte d’Ivoire, avec des joueurs qui ont cinq ou six ans de plus que vous ?

En fait, il y a deux choses. Déjà, la première : quand vous avez le statut d’entraîneur, il y a forcément un respect entre entraîneur-entraîné. Donc, naturellement, il y a ce respect de la hiérarchie. Après, à partir du moment où vous êtes capables de mettre vos joueurs dans un process, où ils prennent des décisions, où on collabore sur le projet de vie, où il y a ce sentiment d’appartenance. Quand vous donnez du respect au joueur et qu’il sent qu’il peut progresser avec vous, vous gagnez toute la légitimité derrière.

By Ibrahim